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"Les lignes de ta paume", Douna LOUP (Mercure de France-France)

2eRoman
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« Je suis une grand-mère sur patins à roulettes. J’avance, je fonce, je ne m’arrête pas une seconde. Peut-être que si je m’arrêtais je tomberais. Peut-être que si je ralentissais, mon coeur aussi ralentirait dans une lente asphyxie. Peut-être que l’effort, le travail, la vitesse me tiennent lieu de moteur, de ronron dans les veines, que les pinceaux sont mes meilleures jambes et la fatigue ma plus tendre amie.

 

Je ne décille pas de toi, je ne désalive pas de paroles, je ne taris jamais de mots. Le passé coule entre nous sa masse ». Celle qui se raconte ainsi, Linda, est une vieille dame fantasque de 85 ans. Elle vit aujourd’hui à Genève, mais son histoire a commencé ailleurs. Elle a traversé tout le XXe siècle, de Bagnolet où elle est née à la Suisse où elle vit désormais. A la jeune fille qui l’écoute avec attention, elle va livrer les secrets de sa vie qui fut peu banale.

La vitalité de son récit, son allant et sa fougue tiennent sa jeune interlocutrice en haleine. Cette dernière l’interpelle, la pousse à se dévoiler toujours davantage : leurs deux voix alternent dans une atmosphère de confiance et de complicité qui va aussi permettre à celle qui se prénommait Nelly de révéler pourquoi elle est devenue la Linda d’aujourd’hui, une artiste dont l’appartement déborde de quatre mille tableaux et d’innombrables sculptures…

Arthur Loustalot, La ruche, Jean-Claude Lattès

Dans la cuisine, assises à la table, les sours boivent des bières et du whisky. Un nuage de fumée les entoure – cigarette sur cigarette. Le rideau est tiré et dehors, la rue est silencieuse. Vous vous souvenez de leurs disputes ? demande Claire. Oui, on se souvient. Louise jette son mégot dans un cadavre de bière. Mais vous vous souvenez de ce que ça nous faisait ? Claire insiste. Cette violence ? dit Marion. Et ce que ça a laissé en nous, chuchote Claire. Vous vous souvenez de la première fois où papa est parti ? répète Marion.

Vous étiez toutes petites, peut-être quatre et cinq ans. Je me souviens, dit Louise. Je me souviens, dit Claire. Ce que je n’arrive pas à voir, c’est l’écart entre ce qu’on a vécu et nos blessures. Bien avant leur rupture, tout était là, d’une manière ou d’une autre, et pourtant. On ne sait rien de ce qu’on a vécu. »De l’appartement, le ciel n’est pas visible. Les portes sont ouvertes ou closes selon des règles tacites.

Les mots circulent, vibrent et s’épuisent. Les murs de carton filtrent à peine les secrets. Depuis le départ de son mari, Alice a sombré dans l’enfer le plus noir. Marion, Claire et Louise, ses trois filles adorées, n’ont plus que leur amour à opposer à cette spirale destructrice. Un amour infini, aussi violent qu’indicible.

Présentation de l’éditeur, n’engageant pas le jury.

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